L’infection des plaies peut entraîner de graves complications, en particulier en cas de déficit immunitaire ou de résistance aux antibiotiques des bactéries impliquées. Face à l’augmentation de ces résistances, la recherche tente donc de mettre au point des traitements alternatifs. Parmi ces derniers, le plasma d’argon semble très efficace sur certaines souches, selon une étude récente menée in vitro puis sur des rats.
Staphylocoque doré (ou aureus), Streptocoque, Pseudomonas aeruginosa… Autant de noms étranges pour désigner des bactéries particulièrement dangereuses, en particulier lorsqu’un patient est fragilisé sur le plan immunitaire. Pour combattre ces infections, la recherche s’est longtemps focalisée sur des agents chimiques bactéricides (dont les antibiotiques). Une équipe de chercheurs russes a utilisé une approche radicalement différente, utilisant une torche au plasma d’argon.Qu’est-ce qu’une torche au plasma d’argon ?L’argon est un gaz chimiquement inerte, sans couleur, sans saveur et inodore. C’est le troisième gaz de l’atmosphère terrestre, loin derrière le diazote et le dioxygène (il ne représente que 0,933 % du volume de l’atmosphère).
Un plasma provient de l’ionisation progressive d’un gaz (comme dans une aurore boréale…) : il peut être “chaud“ (thermique) ou “froid“ (non thermique). Le plasma d’argon froid, vous en avez certainement déjà vu dans une lampe à plasma (cf. image ci-contre).La torche au plasma d’argon, utilisée dans cette étude, est un système qui va permettre de projeter à un endroit précis un faisceau plasmatique d’argon non thermique, froid.Des effets spectaculaires in vitroSvetlana Ermolaeva et son équipe de chercheurs moscovites ont mis en culture plusieurs bactéries, fréquentes en cas d’infections “opportunistes“ (survenant sur un terrain affaibli immunitairement) : Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Staphylococcus epidermidis, Streptococcus pyogenes, Escherichia coli et Enterococcus faecium.
Ils ont ensuite exposé ces cultures soit à un plasma d’argon, soit à un jet d’argon non ionisé (considéré dans cette expérience comme un placebo). Résultat, après 2 à 5 minutes de traitement :
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– Pour les bactéries Pseudomonas aeruginosa et Escherichia coli (bactéries dites “Gram -“), il restait moins d’1 % de bactéries vivantes avec 2 minutes d’application de plasma d’argon ! Après 5 minutes d’exposition, il n’y avait plus de bactéries survivantes.
– Pour les bactéries Staphylococcus aureus Sa 78 (Gram +), les résultats étaient quasi-identiques au bout de 5 minutes de traitement (plus de bactéries survivantes).
– Pour les Streptococcus pyogenes et les Staphylococcus aureus Sa 6538 (autres Gram +), 17 % et 10 % ont survécu au bout de 5 minutes (5 % des pyogenes au bout de 10 minutes).Selon les auteurs, qui citent des travaux antérieurs sur les plasmas, l’application de ces derniers sur la surface d’une bactérie provoque une réaction chimique qui va perforer l’ enveloppe du microbe, ce qui explique ces résultats. L’effet serait moins complet sur les Gram + car leur enveloppe extérieure est plus épaisse. Néanmoins, le fait que le plasma soit efficace sur les Staphylococcus aureus Sa 78 signifie que d’autres phénomènes plus complexes entrent en jeu, peut-être au niveau de la composition même de l’enveloppe bactérienne.
Sur l’image ci-dessus, les bactéries pseudomonas aeruginosa sont en vert lorsqu’elles sont vivantes, en rouge lorsqu’elles sont mortes (images obtenues via un marquage fluorescent). Un effet retrouvé sur des plaies infectées de ratsSuite à ces résultats in vitro, les chercheurs ont testé ce procédé sur un animal de laboratoire. Ils ont donc ensemencé avec des pseudomonas aeruginosa et des Staphylococcus aureus Sa 78 des plaies au niveau de la nuque de plusieurs rats adultes. Ces pauvres rongeurs ont développé dans les 3 jours de l’oedème, du pus et une inflammation locale. Ils ont ensuite été exposé 10 minutes par jour pendant 5 jours au plasma d’argon. Résultat, au bout de 3 jours il n’y avait plus de pseudomonas aeruginosa au niveau des plaies, qui ont cicatrisé globalement plus rapidement. Néanmoins, seule une partie des Staphylococcus aureus Sa 78 a été éliminée, ce qui a pu ralentir le processus de guérison chez 2 des 7 rats étudiés. L’utilisation des plasmas froids pourrait donc constituer une alternative intéressante, en particulier en cas de résistance aux antibiotiques ou d’infections opportunistes : cette technique n’a pas d’effet secondaire, contrairement à l’utilisation d’antibiotiques puissants. Néanmoins, d’autres études seront nécessaires pour mieux comprendre ses effets sur une blessure infectée, en particulier chez l’homme. Jean-Philippe Rivière
Sources :
– “Bactericidal effects of non-thermal argon plasma in vitro, in biofilms and in the animal model of infected wounds“, Svetlana Ermolaeva et coll., Journal of Medical Microbiology, parution de janvier 2011, etude
accessible en ligne (en anglais)
–
Argon, sur Wikipedia