Alors que le gouvernement avait donné son feu vert à l’expérimentation d’une “salle de shoot“ à la ville de Paris, le Conseil d’Etat recommande d’inscrire le dispositif dans la loi, jugeant qu’une telle initiative ne serait pas conforme avec la loi de 1970 sur les stupéfiants. Un avis qui devrait reporter l’ouverture d’un tel lieu après les municipales.
Le 30 mai 2013, le maire du 10e arrondissement de Paris, Remi Feraud, présentait l'ancien local SNCF qui doit accueillir la première salle de consommation à moindre risque.
En février 2013, le
Gouvernement donnait son feu vert à la ville de Paris, pour expérimenter la première salle de consommation à moindre risque (plus souvent appelée “salle de shoot“), soit plus de deux ans après que le Conseil de Paris se fut prononcé favorablement. Ce projet d’expérimentation a pour but de faire la preuve de sa faisabilité avant que soit envisagé son élargissement à l’ensemble du territoire.Qu’est-ce qu’une “salle de shoot“ ?Les salles de consommation à moindre risque ou “
salles de shoot“ ont pour but de permettre aux toxicomanes de consommer leurs propres produits dans de bonnes conditions d’hygiène et sous la supervision de personnels de santé. Illégales en France, elles existent dans près d’une dizaine de pays, dont la Suisse et l’Allemagne. En 2009, il existait déjà 25 CIS dans 16 villes en Allemagne, 1 en Australie, 1 au Canada, 6 dans 3 villes en Espagne, 1 au Luxembourg, 1 en Norvège, 45 dans 30 villes aux Pays-Bas et 12 dans 8 villes en Suisse.Une expertise collective de l’Inserm publiée en 2010, ainsi que
d’autres travaux scientifiques publiés dans des revues de
référence Lancet ont permis de souligner l’intérêt de ces salles de consommation à moindre risque pour réduire les dangers spécifiques liés à l’injection (notamment une réduction des morts par overdose) et ceux liés à la transmission des maladies virales, une augmentation de l’accès aux soins pour cette population ainsi qu’une réduction des injections dans les espaces publics.Une initiative inscrite dans le plan de lutte contre la drogue 2013-2017Malgré les critiques de certains députés de l’opposition et de l’Académie de médecine, une première expérimentation doit avoir lieu à Paris dans un lieu proche de la Gare du Nord. Cette volonté a été réaffirmée dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017, porté par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et adopté le 19 septembre 2013. “C’est pourquoi, le gouvernement a souhaité apporter son soutien au projet d’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque à Paris, impliquant associations de patients et professionnels de santé. Un décret devant permettre ce type d’expérimentation a été préparé à cette fin et soumis pour avis au Conseil d’Etat“ précise un communiqué du ministère des Affaires sociales et de la Santé. Un décret retoqué par le Conseil d’Etat…Le conseil d’Etat demande une loi préalableLe 8 octobre, le Conseil d’Etat a procédé à l’examen de ce projet et a recommandé au gouvernement d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique. Les magistrats ont jugé que l’installation d’une salle de consommation à moindre risque ne serait conforme à la loi de 1970 sur les stupéfiants qui en interdit tout usage. Il s’agirait alors d’un contournement de la loi, et il y aurait là un problème juridique.Bien que cet avis ne soit que consultatif, le gouvernement ne devrait pas passer outre, comme en témoigne le communiqué du ministère de la santé qui se conclut par “Le gouvernement va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif“.Pas d’ouverture d’une salle de shoot à Paris avant les municipalesConcrètement, si le gouvernement s’engage à faire voter une loi, cela va bouleverser le calendrier annoncé par la Ville de Paris. Le terrain était trouvé, les personnels sur le point d’être engagés et la salle devait ouvrir fin novembre. Aujourd’hui, il est probable que son ouverture ne puisse se faire qu’après les municipales, avoue Anne Hidalgo, candidate PS à la mairie de la capitale.
Parmi les réactions, Jean-Marie Le Guen, Député PS de Paris déclare “Je regrette que le Gouvernement n’ait pas pris les mesures nécessaires à la sécurisation juridique pour l’ouverture d’une salle de consommation à moindre risque à Paris, mais je reste mobilisé pour que l’expérimentation soit lancée dès que possible“.La Ville de Paris rappelle dans un communiqué que “Le Conseil de Paris s’est prononcé en faveur d’une telle expérimentation dès 2010 avec l’objectif précis de réduire, pour tous, les risques de tous ordres liés aux consommations dites de rue, en considérant que ce n’est pas en niant les problèmes, en refusant de les voir, en les reléguant à la lisière de nos regards et de notre espace que nous les résoudrons. (…) La Ville de Paris attend donc que le Gouvernement, comme il l’a annoncé dans son plan de lutte contre la drogue et les conduites addictives du 19 septembre dernier, procède aux adaptations juridiques nécessaires pour permettre l’ouverture annoncée“.Valérie Pecresse, député UMP des Yvelines, déclare sur twitter : “Salle de shoot: si elle n’est pas installée la région IDF récuperera 200 000€ qu’elle pourra utiliser pour la formation des infirmières…“.Plus globalement, ce report ravit l’opposition mais inquiète les associations d’aide aux toxicomanes. Ce lieu devait accueillir 200 usagers par jour, sept jours sur sept.David Bême Sources :Communiqué du ministère de la Santé – 8 octobre 2013France Info – 8 octobre 2013France Inter – 8 octobre 2013Photo : 20 MINUTES/SIPA