Hubert, le frère cadet de Florence Arthaud, « la petite fiancée de l’Atlantique », préface un manuscrit inédit de cette dernière, publié à l’occasion des six ans de sa disparition. Et se souvient. Entre rire et larmes.
Le 9 mars 2015, en Argentine, Florence Arthaud, 57 ans, trouvait la mort dans un tragique accident d’hélicoptère. Avec d’autres sportifs, elle avait accepté de participer à une émission de téléréalité, Drop-ped, pour TF1…
GALA : Où en est le procès contre la société de production ALP ?
HUBERT ARTHAUD : J’espère qu’il aura lieu en 2022 et que ma mère, qui est maintenant une dame âgée et très fatiguée, verra une condamnation. Les responsables, qui ont été mis en examen, feront sans doute appel car ce sont des gens de mauvaise foi, sans moralité, mais ils seront condamnés. Inévitablement. Vous savez, dans un bilan financier, la sécurité est un choix. Eux ont préféré faire l’impasse pour des questions d’économie. C’est lamentable. Aujourd’hui, c’est moins pour ma sœur que je me bats que pour que ça ne se reproduise plus. Qu’il n’y ait plus de morts dans des opérations organisées par des affairistes.
GALA : En 1990, Florence avait écrit un manuscrit, paru le 17 mars sous le titre Océane. Est-ce une façon de continuer à la faire vivre ?
H. A. : Disons que c’est surtout pour partager avec tous ceux qui l’ont aimée ce qu’elle était. Car ce livre est une magnifique déclaration d’amour à la mer. Avec tout l’état d’esprit qui va avec.
GALA : Vous étiez le petit dernier d’une fratrie de trois. Quel est votre tout premier souvenir avec votre sœur ?
H. A. : C’était dans la maison familiale. Florence avait sa chambre en face de la mienne et elle avait une très grande poupée, qui mesurait environ un mètre, avec de très beaux cheveux que j’ai eu l’idée de couper. Du coup, c’était devenu une poupée dans le vent avec les cheveux courts, mais ma sœur n’avait pas du tout apprécié ! (Rires.)
GALA : Florence jouait à la poupée ? On l’imaginait plutôt casse-cou !
H. A. : Vous avez raison, elle a joué un petit peu à la poupée, mais ce n’était pas vraiment le genre. Elle a été élevée entre deux garçons et a toujours tenu sa place. D’autant plus que notre grand frère, Jean-Marie, qui avait trois ans de plus que Florence et six de plus que moi, nous a forgé un caractère de risque-tout. Il n’y aurait jamais eu de Florence Arthaud sans Jean-Marie Arthaud. Avec lui, il fallait toujours faire des choses hors du commun. Il nous a appris le dépassement de soi. C’est d’ailleurs quelque chose qui m’aide encore aujourd’hui dans la vie, face aux épreuves. Et Florence avait aussi cette folie. D’ailleurs elle a eu le respect des autres marins parce que c’est dans les dépressions qu’elle reprenait du terrain sur les autres. Quand ils réduisaient la toile, elle, avec ses 52 kilos tout mouillés, elle, elle en envoyait. Comme Isabelle Joschke, qui était au départ du Vendée Globe cette année. J’ai retrouvé en elle la même façon de courir que Florence.
GALA : Votre sœur n’a jamais eu peur de rien ?
H. A. : De rien, surtout pas en mer. Sauf des esprits et des fantômes. Elle disait sentir des courants d’air, des choses comme ça.
GALA : Quand elle a eu sa fille Marie, à 36 ans, est-ce qu’elle a eu moins envie de naviguer ?
H. A. : Non. Elle n’a pas changé. Florence était très ancrée et très attachée à sa liberté. Elle adorait sa fille, mais elle a continué à faire des courses. La mer, c’était son élément, elle s’y sentait moins en danger qu’ailleurs. Du reste, de façon anecdotique, elle était un grand marin mais une piètre conductrice et risquait cent fois plus sa vie au volant d’un véhicule qu’à la barre d’un bateau. Toutes ses voitures étaient cabossées !
GALA : En 2001, votre frère Jean-Marie s’est donné la mort…
H. A. : Ç’a été un choc abominable pour toute la famille. Et pour ma mère en premier. Florence a eu du mal à s’en remettre.
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GALA : En 2015, c’est votre sœur qui était victime d’un accident mortel. De quelle façon l’avez-vous appris ?
H. A. : Je crois, de mémoire, que c’est la production qui m’a appelé dans la nuit. Après j’ai eu Marie, ma nièce. Nous avons décidé d’attendre 7 heures du matin pour appeler ma mère. On voulait lui laisser au moins une nuit de paix, l’épargner un peu, on savait dans quoi elle allait basculer, elle avait déjà perdu un fils… Mais elle était réveillée depuis 5 heures et avait vu les images en boucle à la télé. Ç’a été terrible… Ma sœur me manque tant ! Mon frère aussi ! C’est très douloureux de me replonger dans les albums de photos. Il y avait tellement de gaîté et de complicité dans notre famille. C’est dur. Mais je crois en Dieu. Je sais qu’ils sont bien.
GALA : Quelle image Florence aurait aimé que l’on retienne d’elle ?
H. A. : Celle d’une femme authentique, libre, généreuse, idéaliste. Simple aussi, valeur que nous ont inculquée nos parents.
GALA : Est-ce que sa fille Marie navigue ?
H. A. : Elle déteste le bateau. La passion de Marie, c’est le cheval. Et son travail (elle a une société de production, en Angleterre, ndlr). Elle a choisi un domaine dans lequel la famille Arthaud ne connaît rien et n’a aucune relation. C’est une belle preuve de courage. Marie ne veut rien devoir à personne. Et dans cette détermination, je reconnais ma sœur.
Crédits photos : JLPPA / Bestimage