Les 1000 suppressions de postes de soignants prévues pour 2010 à l’APHP inquiètent les chefs de service hospitaliers, qui font part de leur intention de démissionner en masse si elles deviennent effectives. Une menace qui survient dans un contexte de défiance face aux changements induits par la mise en uvre progressive de la loi HPST, votée au printemps dernier malgré de nombreuses protestations des professionnels de santé.
Des suppressions de postes liées à la réduction ministérielle du budgetPourquoi une telle menace de démission, alors que la ministre de la Santé Roselyne Bachelot s’était engagée à plusieurs reprises sur l’absence de suppression de postes et avait affirmé au printemps que l’
hôpital n’est pas concerné par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ? Le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) dénonçait fin novembre “l’attaque lancée par le ministère de la Santé contre l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)“, attaque se présentant sous la forme d’une réduction budgétaire de 100 millions d’euros par an pendant 3 ans. Or cette réduction importante du budget oblige des dirigeants de l’APHP à rogner sur leurs dépenses salariales, ce qui va entraîner “mécaniquement la suppression chaque année d’environ 150 emplois de médecins et 1 000 emplois de soignants non-médecins, après les 700 suppressions déjà réalisées en 2009.“ Une attaque contre le service public hospitalier ?Il est en effet difficile d’imaginer une autre solution, les hôpitaux ne pouvant décemment, pour absorber cette réduction budgétaire, diminuer les dépenses liées à leurs lits d’hospitalisation et à l’accueil aux urgences, aux traitements, à leur équipement, alors même que les services fonctionnent déjà pour la plupart en flux tendu. Le MDHP affirme pour sa part que cette politique budgétaire “entraîne une dégradation de l’accès aux soins et de la qualité des soins, contrairement à ce que prétendent le ministère de la Santé et la direction générale de l’AP-HP“, parlant même d’ “entreprise de démolition“ du service public hospitalier.902 médecins prêts à démissionner !L’Assemblée générale de l’ensemble des personnels médicaux de l’AP-HP du 15 décembre a confirmé la menace de démission collective de centaines de “responsables médicaux, à commencer par le président de la Commission médicale d’établissement, le professeur Pierre Coriat“ qui pèse depuis fin novembre. D’après le journal Les Echos : “902 médecins, dont 31 présidents de CCM (comité consultatif médical) sur 37, 118 chefs de pôle sur 175 et 425 chefs de service sur environ 800“ sont désormais prêts à démissionner, malgré les concessions obtenues (restructurations permettant de dégager des marges et donc de préserver 51 équivalents temps plein, sur les 138 suppressions initialement prévues). Une manifestation du MDHP est prévue demain devant le siège de l’APHP pour réaffirmer les inquiétudes face à une possible dégradation de l’accès aux soins. B. Delanoë et le Pr. Grimaldi soutiennent cette démarcheLe maire de Paris Bertrand Delanoë apporte son soutien aux 902 médecins qui menacent de démissionner et affirme être mobilisé à leurs côtés pour “refuser que la logique du marché s’applique à l’hôpital public et pour empêcher le démantèlement de notre système de santé.“ Une démarche qu’approuve également le Pr. André Grimaldi, un des chefs de file de la fronde des hospitaliers contre la loi HPST
au printemps dernier.
Ce dernier s’insurge, dans un texte intitulé “J’ai fait un rêve“, contre la “vente à la découpe des missions de service public“ qu’engendrera, selon lui, la mise en place des Agences Régionales de Santé (ARS) prévues par cette loi. L’étatisation pour rationalisation de la santé lui fait redouter de nombreuses suppressions de postes, mais aussi une baisse des investissements, une spécialisation des hôpitaux voire une privatisation secondaire, à l’américaine, de nombreuses activités, avec un transfert du coût de la santé “de la collectivité vers les ménages“ et donc une “rupture“ de l’égalité de tous face aux soins.Un tableau peu réjouissant mais qui n’est pas inéluctable : la rationalisation, maître-mot de la loi HPST, débouchera peut-être, comme le souhaite le gouvernement, sur un meilleur fonctionnement des établissements de santé sans avoir recours aux privatisations et aux suppressions de postes. Néanmoins, on peut tout de même s’interroger sur les réductions budgétaires, et donc les suppressions de postes, exigées avant même que les ARS aient vraiment commencé le travail…Jean-Philippe Rivière
Sources :
– Communiqué de presse du MDHP, 26 novembre 2009,
accessible en ligne
– “Hôpital : menace de démission massive des médecins franciliens“, Les Echos, 16 décembre 2009,
accessible en ligne
– “Au sujet de l’avenir de l’AP-HP“, communiqué de Bertrand Delanoë, 16 décembre 2009,
accessible en ligne
– “J’ai fait un rêve“, Pr. André Grimaldi, site du MDHP, 7 décembre 2009,
accessible en ligne
Photo : Pr. André Grimaldi, copyright WITT/SIPAClick Here: NRL Telstra Premiership