S’il est des inégalités contre lesquelles les femmes pourraient s’insurger, c’est bien celle-ci : une étude présentée au congrès de la Société européenne de cardiologie, qui s’achève le 29 août à Munich(Allemagne), montre qu’elles reçoivent moins de soins que les hommes lorsqu’elles sont hospitalisées pour une insuffisance cardiaque aiguë.
Insuffisance cardiaque : les femmes moins bien traitées que les hommes
L’i
nsuffisance cardiaque est la première cause de mortalité cardiovasculaire devant l’
infarctus et l’
hypertension artérielle. Elle peut être due à de multiples causes dont les deux plus fréquentes sont la maladie coronaire (faisant notamment suite à un infarctus) et l’hypertension artérielle. Les symptômes de cette maladie sont très handicapants mais restent méconnus du grand public : fatigue extrême, oedème des chevilles, essoufflement à l’effort et au repos. Des signes qui ne trompent pas et qui sont liés à une défaillance du muscle cardiaque.Avec ses collègues, le Dr John T. Parissis a voulu voir s’il existait des différences entre les hommes et les femmes admis à l’hôpital pour une insuffisance cardiaque aiguë. L’étude qu’il a présentée au congrès de l’ESC portait sur près de 5 000 patients, dont 37 % de femmes, hospitalisés en cardiologie ou dans des unités de soins intensifs suite à une insuffisance cardiaque aiguë. Les données ont été collectées auprès de plus de 600 hôpitaux de 9 pays dans le cadre d’une enquête, l’Acute Heart Failure Global Registry of Standard Treatment (ALARM-HF).Les chercheurs ont observé des différences significatives au niveau du tableau clinique, des maladies associées, des facteurs aggravants et, étonnamment, de la prise en charge. Ils n’ont en revanche pas observé de différences en termes de durée d’hospitalisation et de mortalité à l’hôpital.Pas le même tableau clinique :– Au niveau clinique, l’insuffisance cardiaque aiguë apparaît à un âge plus avancé chez les femmes que chez les hommes ;- Les femmes ont deux fois moins de risque de présenter un choc cardiogénique (défaillance aiguë de la pompe cardiaque) que les hommes, mais deux fois plus de risque d’avoir une insuffisance cardiaque droite ;- Les femmes admises à l’hôpital ont une pression systolique et un rythme cardiaque supérieurs à ceux des hommes. Elles présentent également une fraction d’éjection ventriculaire gauche élevée et la majorité d’entre elles ont une fraction d’éjection préservée ;Des comorbidités différentes– Concernant les comorbidités, les femmes souffrent plus souvent que les hommes d’une
fibrillation auriculaire, d’une
valvulopathie, d’un
diabète sucré, d’une
obésité, d’une
anémie et d’une
dépression. Elles sont en revanche moins nombreuses à
fumer et à présenter une
cardiomyopathie, une maladie coronaire, une dyslipidémie, un
asthme ou une
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Les taux d’hypertension artérielle et d’artériopathie oblitérante des membres inférieure (AOMI) sont, quant à eux, similaires chez les hommes et chez les femmes.- Quel que soit le sexe du patient, le facteur aggravant le plus fréquemment retrouvé est le syndrome coronaire aigu. Néanmoins, les femmes ont moins tendance que les hommes à en souffrir, alors qu’à l’inverse, elles sont plus nombreuses à avoir une infection ou une valvulopathie aggravante.Les traitements médicamenteux ou chirurgicaux indispensables moins proposés aux femmes– D’un point de vue thérapeutique, une plus faible proportion de femmes sont sous antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, sous
bêtabloquants, sous
aspirine ou sous
clopidogrel à leur admission. Elles sont en revanche plus volontiers sous
digoxine ou sous
anti-vitamine K, comme traitement de leur
fibrillation auriculaire. La prise en charge proposée par les médecins est ensuite assez différente selon que le patient est un homme ou une femme : si la pression positive continue et la ventilation mécanique sont autant proposées aux uns et aux autres, la pose d’un
stent, d’une pompe à ballonnet intra-aortique ou un
pontage aorto-coronarien sont davantage des interventions réalisés sur des hommes.Une mortalité à l’hôpital similaire– Malgré cette différence dans la prise en charge des patients, la durée de l’hospitalisation est la même pour les deux sexes, tout comme la mortalité à l’hôpital. Pour le Dr Parissis, “la présence d’une fraction d’éjection plus élevée chez les femmes et une moindre prévalence de la maladie coronarienne peut avoir un impact positif sur la survie“. Il ajoute que, “d’un autre côté, l’existence d’autres co-morbidités graves et la moindre prescription de médicaments indispensables comme les bêtabloquants peuvent contrebalancer cet effet positif sur la survie à l’hôpital. Ceci peut expliquer le taux de mortalité similaire chez les deux sexes“.Et le cardiologue de conclure qu’il existe peut-être des différences dans la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque aiguë entre les femmes et les hommes dont devraient tenir compte les médecins. “Au final, une application plus rigoureuse des recommandations concernant la prise en charge de l’infarctus du myocarde est nécessaire afin de rendre optimaux les médicaments pouvant sauver des vies, particulièrement chez les femmes“.Amélie PelletierSource : “Women with acute heart failure have similar in-hospital mortality to men but are less treated“ – Congrès ESC 2012, Munich.