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Vivez les derniers instants et l’annonce de la mort de Michael Jackson à Bel Air, comme si vous y étiez. Un bon jour pour mourir? Le premier sans Michael. De notre correspondant aux Etats-Unis, Pierre Bowles
Il était un peu plus de midi, ce jeudi 25 juin, quand un groupe de touristes, participant à l’une des visites guidées des Maisons de stars de Los Angeles, ont vu leur minibus s’arrêter pour laisser une ambulance sortir d’une propriété du quartier de Bel Air, proche de Beverly Hills, connu pour sa concentration unique au monde de millionnaires.
Cette résidence n’était pas au programme du tour, et hormis le guide, les passagers ignoraient que Michael Jackson louait pour 100 000 dollars par mois ce manoir doté d’une dizaine de chambres et surtout d’un théâtre privé, pour y répéter à loisir son imminente série de 50 concerts, prévus à Londres dès le 13 juillet. « En fait, Michael Jackson habite ici en ce moment, a confié le guide, rompant l’accord de confidentialité. Nous verrons dans les News ce qui se passe ».
L’ambulance a rejoint en six minutes l’énorme complexe hospitalier de UCLA. Dès l’entrée de la star, inanimée sur son brancard, l’hôpital a été saisi d’un véritable chaos. L’entourage de Michael Jackson, arrivé de Bel Air au même moment, s’est répandu dans la salle des urgences, hurlant «Il faut le sauver, faites quelque chose ! ».
A 13h14, une équipe médicale composée des meilleurs spécialistes de UCLA a tenté de le réanimer. L’intervention a duré une heure, en vain. Michael Jackson, découvert inconscient par son staff dans sa résidence, était peut-être dès lors en arrêt cardiaque. Faute de secours dans les cinq minutes suivant sa défaillance, les chances de le ramener à la vie étaient sans doutes déjà compromises lors de son transferts vers les urgences.
Tandis que Latoya Jackson, sa sœur, arrivait ravagée de chagrin, suivie de leur mère, dans le hall de UCLA, les rumeurs les plus pessimistes commençaient à sourdre de Los Angeles. La presse écrite californienne, d’ordinaire extraordinairement bien informée des agissements de la star, laissait cette fois la primeur aux blogs et sites web people, plus au fait du déroulement du drame. TMZ, un portail lié à AOL avait déjà contacté Joe Jackson, le pater familias de la mythique fratrie.
Ce dernier, d’ordinaire peu enclin à dramatiser les multiples problèmes de santé de son fils, a admis : « Il ne va pas bien, ça ne va pas ». Ces mots simples annonçaient l’issue fatale. TMZ, dans les dix minutes suivant le constat officiel, à 2h26, du décès du talentueux chanteur, par le médecin légiste, annonçait la nouvelle sur son site.
Elle ne serait reprise par les télévisions qu’une demi heure plus tard, après confirmation par des médias réputés plus établis, comme le Los Angeles Times. Vers 18 heures, à New York, l’immense écran de télévision de Times Square diffusait la nouvelle. Un grondement sourd, le son de milliers d’exclamations étonnées s’élève alors de la foule des passants de la 42eme rue et de Broadway. L’immense cohue se fige un instant, dans une scène répétée à l’infini, des inconnus s’échangent des regards stupéfaits et consternés.
A Los Angeles, devant l’hôpital, la petite congrégation des fans, rassemblée depuis 14 heures, s’est mué en sit in confus. Les conducteurs des voitures qui ralentissent à l’approche du groupe ouvrent leur fenetres pour laisser s’échapper la musique des CD de Michael Jackson. La veillée loin d’être macabre, se mue en fête spontanée, un hommage retransmis par les hélicoptères qui bourdonnent au dessus de Beverly Hills.
Les télévisions, désemparées, diffusent dans le désordre les réactions à la nouvelle. Quincy Jones, mentor et partenaire de Michael Jackson, prostré de douleur, pleure son « petit frère », tandis que Jermaine Jackson, monte à la tribune d’une conférence de presse, à l’hôpital, pour confirmer la mort de son frère, et appeler la presse à laisser leur famille vivre leur deuil dans l’intimité.
Un ancien agent de la star est le premier à rappeler les excès et le stress qui ont pu conduire Michael Jackson à cet accident cardiaque fatal, tandis que l’internet, en particulier Google, débordé de recherches sur le mythique fleuron des Jackson Five, approche la thrombose. Twitter est aussi saturé de millions de messages perplexes d’internautes issus de deux générations.
Chacun a son Michael Jackson : les quinquagénaires se souviennent de l’enfant de dix ans, talent sidérant haut comme trois pommes, qui envahissait soudain leurs écrans en 1968, écrasant de son charisme et de son professionnalisme, ses frères pourtant plus rodés à la scène. La fascination renait pour son jeu de scène révolutionnaire des années 80, l’incroyable novation de Billy Jean et de Beat It. Les plus jeunes, nourris de son rythme sans avoir jamais tenu en main, Itunes oblige, une pochette de ses CDs les plus prestigieux, se précipitent sur leurs ordinateurs pour se repaître de l’hagiographie de la star.
Le propos unanime, au soir du drame, et dès le matin effaré du 26 juin, se limite à l’incroyable influence de Michael Jackson, l’homme mystère aux 750 millions de disques vendus, sur l’univers de la musique américaine. Son rôle de pionnier de la vidéo musicale, d’artiste assez visionnaire pour avoir commandé ses clips aux réalisateurs Scorsese ou Spike Lee et ouvert la voie au show biz multimédia du 21eme siècle.
Ces frasques, sa bizarrerie, les scandales de pédophilie qui, de facto, ont ruiné sa carrière depuis 2003, et contre lesquels son grand retour de l’automne devait offrir l’ultime rédemption, n’apparaissent dans aucun commentaires. L’Amérique salut, chérit un symbole de son génie du show biz, et plus encore…
Au soir de la mort de Michael Jackson, l’Apollo Theater, où à l’âge de 9 ans, cet artiste consommé avait sidéré la foule de Harlem, lui rend un hommage spontané. Ils sont des milliers, anonymes remontés jusqu’à la 125e rue, personnalités politiques comme le célèbre révérend Al Sharpton, à saluer sous les projecteurs et dans la cacophonie des « boom boxes » le rôle du roi de la scène dans le rapprochement des races aux Etats-Unis. Michael Jackson, le croirait-on, a été le premier Noir à passer sur MTV. Avant Tiger Woods et Oprah, « avant même Barack Obama, assure Sharpton, cet artiste de génie a su dépasser les divisions américaines ».
A Gary, Indiana, le lieu de naissance de Michael, des centaines d’admirateurs se rassemblent autours d’une frêle petite maison du ghetto local. C’est là que tout a commencé, sous la houlette inflexible d’un papa métalo nommé Joe Jackson, les Jackson Five, et comme le pater familias l’avait toujours su, l’ascension historique d’un petit chanteur timide au pouvoir surnaturel. L’Amérique noire reconnaît en lui son rêve américain, mais tout le pays pleure son Michael Jackson.
Vendredi 26 juin 2009