Depuis plusieurs années, la maladie de Lyme est au coeur d’une polémique : existe-t-il une forme chronique que les traitements actuels ne permettent pas de soigner ? Autour de cette question s’opposent des patients en souffrance et des médecins qui dénoncent un sur-diagnostic et un sur-traitement dénués de preuves scientifiques. Dernier épisode de cette bataille : une étude de Santé Publique France juge que moins de10% des patients chez qui on suspecte une maladie de Lyme en seraient réellement atteints…
Sommaire
- Maladie de Lyme : controverse autour de l’existence d’une forme chronique
- Des recommandations de prise en charge qui restent contestées
- Deux camps irréconciliables ?
- Maladie de Lyme : 9 patients sur 10 seraient atteints d’autre chose…
- La crainte de ” recommandations des pratiques non-argumentées par la science”
Maladie de Lyme : controverse autour de l’existence d’une forme chroniqueMaladie infectieuse causée par une bactérie et transmise par une piqûre de tique, la borréliose de Lyme fait l’objet d’une vive controverse entre le monde médical et les associations de patients. Le débat porte sur l’existence ou non de formes chroniques de cette maladie (ou syndrome persistant polymorphe après une possible morsure de tique ou SPPT), dont les traitements classiques ne viendraient pas à bout. De nombreuses associations réclament la reconnaissance de cette forme, allant parfois jusqu’à des actions coup de poing. Début avril, des militants ont aspergé de faux sang une maison du don parisienne de l’Etablissement français du sang, en soutenant sans preuve scientifique que la maladie de Lyme pouvait être transmise lors d’une transfusion sanguine.Mais les patients ne sont pas les seules à plaider pour la reconnaissance de cette forme chronique. “Depuis une dizaine d’années, des associations de patients, rejoints par quelques médecins et chercheurs et des activistes remettent en cause les connaissances acquises sur la borréliose de Lyme, son diagnostic et sa prise en charge“, note le Dr Desenclos dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 7 mai 2019.Des recommandations de prise en charge qui restent contestéesEn 2016, la ministre de la Santé lance le plan Lyme dont l’une des ambitions était de déboucher sur un protocole national de diagnostics et de soins (PNDS), en mettant autour d’une même table l’ensemble des protagonistes. En juin 2018,
la Haute Autorité de santé (HAS) élabore des recommandations de prise en charge. La plupart de ces recommandations font consensus, mais les sociétés savantes impliquées dans la prise en charge de la maladie de Lyme (dont l’
Académie de Médecine et le Collège national des généralistes enseignants) ne les ont pas adoptées car y était abordée la forme chronique (SPPT) et sa prise en charge.Selon ces experts, les recommandations (non-prise en compte des tests actuels pour son diagnostic, traitement antibiotique à des doses et pour des durées importantes…) ne sont pas fondées sur les preuves et les données actualisées de la science. Résultat : retour à la case départ avec la direction générale de la Santé qui demande de nouvelles propositions à la Société de pathologie infectieuse de langue française…Deux camps irréconciliables ?Depuis plusieurs années, deux camps s’opposent donc : des patients en souffrance qui demandent à reconnaissance de leur maladie et de l’autre des experts qui remettent en cause l’existence de cette forme de maladie faute d’un diagnostic et d’une prise en charge basée sur les preuves. Les premiers dénoncent un sous-diagnostic qui laisserait des patients dans la détresse et en pleine errance diagnostique et les seconds un important sur-diagnostic et sur-traitement antibiotique.Maladie de Lyme : 9 patients sur 10 seraient atteints d’autre chose…Et le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire devrait alimenter encore le débat. Selon une étude pilotée par l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris) et conduite sur plus de 300 patients qui consultaient pour une borréliose présumée, le diagnostic a été confirmé dans moins de 10% des cas. “Le diagnostic de BL a été confirmé chez 29 patients (10%) et s’est avéré possible chez 9 (3%). Parmi les 243 patients présentant un diagnostic autre qu’une BL, les principales maladies étaient d’origine psychologique, rhumatologique, neurologique ou autre, respectivement chez 76 (31%), 48 (20%), 37 (15%) et 82 (34%) individus“. Ces résultats ont été publiés l’an dernier dans la revue
Clinical Infectious Diseases et reprise dans le BEH. Ses auteurs enfoncent le clou : “Les phénomènes de sur-diagnostic et de sur-traitement de la BL sont importants dans notre étude, concordant avec deux autres études françaises. Les autorités sanitaires de notre pays devraient se pencher sur ce problème préoccupant, à l’heure du bon usage des antibiotiques“.La crainte de ” recommandations des pratiques non-argumentées par la science”Dans l’éditorial du BEH, le Dr Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique de l’institut national de veille sanitaire (InVS) juge que la virulence de certains “activistes” risque d’aboutir à des recommandations de prise en charge de la maladie de Lyme “inefficaces et hasardeuses” : “Dans l’état actuel du débat (…) et la forme de certaines actions récentes d’activistes, ne pourrait-on pas (…) redouter de voir entrer dans des recommandations des pratiques non-argumentées par la science et de principe inefficaces et hasardeuses pour les malades ?“, craint le Dr Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique de l’institut national de veille sanitaire (InVS) dans l’édito du BEH.Tout l’enjeu du débat explosif autour de cette maladie est de “réconcilier les revendications des malades, dont la souffrance est réelle, et la pratique médicale basée sur les évidences scientifiques“, conclut le Dr Desenclos.