L’animateur télé et le photographe bousculent les consciences pour sauver la planète. Gala passe au crible leur mode de vie, leur engagement, leurs méthodes, et leur ambition personnelle…Le match est ouvert!
Les deux croisés de l’écologie s’apprécient. Ils ont déjeuné ensemble il y a quelques jours. Au menu de ce tête-à-tête : l’échange d’impressions sur leur combat commun. «Nous sommes complémentaires. Il n’y a pas de jalousie dans notre milieu», nous assure Yann Arthus-Bertrand. Toutefois, quelques différences…
L’éveil écolo.
Son père était chercheur d’or au Vénézuela. Nicolas Hulot, très tôt, n’a eu qu’une quête : détecter et préserver la richesse de la planète. Et Ce qu’il constate d’abord c’est sa mortelle dégradation! «Je ne suis pas né écolo, je le suis devenu», avoue l’animateur télé, qui, à force de traverser la Manche en planche à voile ou de descendre le Zambèze pagaie en main a vu l’environnement péricliter. Suffisant pour opter pour la vie en bio avec au départ une traversée du désert, celle de l’indifférence. En 1990, il créée sa fondation pour la nature et l’homme. Et convertit, en 1998, son émission Ushuaïa en Ushuaïa Nature. Du côté de Yann Arthus-Bertrand la vocation se fait plus tardive. Amoureux passif de la faune, il dirige un temps une réserve zoologique, dans l’Allier, et capture, sur pellicule, les lions du Kenya jusqu’au début des années 80. Le photographe couvre par la suite le très pollueur Paris-Dakar. Puis, il abandonne les dunes pour immortaliser, en esthète bluffé, la terre vue du ciel et c’est là qu’il prend conscience de l’impact de l’homme sur cette dernière. Désormais il lui sera impossible de détourner son regard bleu d’une évidence aussi limpide.
Un combat, deux styles.
«Nicolas? C’est un peu le moine soldat de l’écologie, assure l’un de ses proches. Avec lui, c’est la terre… Vue des hommes». Pas d’état d’âme contemplatif donc, mais une analyse approfondie de la situation, qui va jusqu’à le déprimer. Son film, le Syndrome du Titanic, qui sortira en octobre, dénonce les dérives de notre société de consommation. « Il a compris que pour diffuser la révolution verte, et corriger notre modèle de développement, il fallait jouer le rapport de force avec les politiques », confie-t-on au ministère de l’Ecologie. N’a-t-il pas su imposer aux différents candidats à la présidentielle son pacte écologique, en 2007, qui a inspiré le Grenelle de l’environnement ? YAB, lui, prend l’opinion publique aux tripes, à coups de chocs visuels. Celui, qui rêvait d’être acteur a magistralement mis en scène la terre. Fils de célèbres orfèvres parisiens a su se faire un prénom et imposer sa griffe et son patronyme dans le monde entier. Son film Home, traduit en 18 langues, a été diffusé simultanément dans 134 pays. Les mauvaises langues l’ont baptisé le «marchand du temple vert» ou le « roi du produit dérivé ». Il rétorque que les bénéfices de son dernier film seront versés à son association, Good planet. Elle finance des programmes comme «action carbone» qui œuvre contre la déforestation.
Leur vie en vert.
« Il y a dix ans, Yann convoyait ses invités en hélicoptère de Paris jusqu’à son immense demeure des Yvelines, se souvient l’un de ses hôtes. Il est passé sans transition de l’hélico à la voiture hybride!» Le photographe s’est donc converti. Il a compensé 100% des émissions de carbone nécessaires au tournage de Home, utilise des véhicules propres et a fait équiper sa maison de panneaux solaires. Lui, qui a construit une cabane intégrée dans un arbre de sa propriété, joue enfin les consultants pour les maisons vertes Phénix. Hulot roule lui aussi écolo. Il vient le moins souvent possible dans la capitale, préférant l’air marin de Bretagne. Il a fait poser du chanvre isolant sur sa maison de Saint-Lunaire, qu’il ne chauffe jamais au dessus de 19°C. Il récupère l’eau de pluie pour la chauffer avec des panneaux solaires, refuse les sacs plastiques chez les commerçants, fait réparer ses vêtements et ses appareils électro-ménagers. Ne mange enfin jamais de fraises en hiver !
Leur ambition.
Après 2002, Jacques Chirac était prêt à faire de Nicolas Hulot son ministre de l’Environnement. Ce dernier grand ami de Claude, la fille du président- a décliné. L’animateur a préféré garder sa liberté, avoir l’oreille de tous, des syndicalistes à Nicolas Sarkozy, pour jouer les «passerelles». Il a choisi de dispenser ses connaissances et fournir des solutions prêtes à l’emploi. Moins rigosriste, De Davos au musée Chirac en Corrèze, où il a exposé ses photos, Yann Arthus-Bertrand promeut son œuvre tous azimuts. Avec tant qu’affaire la bienveillance des grands de ce monde, du président Bouteflika à Nicolas Sarkozy, qui s’est fait organiser une projection privée du film Home à l’Elysée. Ravi que son documentaire soit suspecté d’avoir pesé dans le succès des Verts aux européennes, se reconnaissant un brin mégalo l’homme ne renoncera, peut-être pas, à la différence de son alter-écolo, à l’appel des ministères. «Ce n’est pas parce qu’on est un bon photographe qu’on est un bon homme d’Etat », coupe-t-il. La suite nous le dira.
Candice Nedelec
Article paru dans Gala, juin 2009